43. La Navarraise (Jules Massenet)

  • Épisode lyrique in 2 acts
  • By Jules Massenet
  • Libretto: Jules Claretie & Henri Cain, after Claretie’s short story La Cigarette (1890).
  • First performance: Covent Garden, London, 20 June 1894, conducted by Sir Augustus Harris
  • First performance in France: Bordeaux, 27 March 1895.
  • First performance in Paris: Opéra-Comique (Salle du Châtelet), 3 October 1895, conducted by Philippe Flon.
  • Parts of this post are adapted from my survey of Massenet’s operas, “Jules Massenet – His Life and Works”, MusicWeb International, 2016.

ANITA, the NavarraiseMezzoEmma Calvé
ARAQUIL, sergeant in the Biscay regimentTenorAlbert Alvarez
GARRIDO, general of the liberal troopsBassPol Plançon
REMIGIO, Araquil’s fatherBaritoneCharles Gilibert
RAMON, captain in the Biscay regimentTenorClaude Bonnard
BUSTAMENTE, sergeant in the same regimentBaritoneEugène Dufriche
A SoldierCoryphée 
SoldiersChorus 
Basque women, officers, wounded soldiers, a chaplain, a surgeon, Biscayan peasants  

SETTING: Spain, during the Carlist War of 1874.


Rating: 4 out of 5.

La Navarraise is like a super-concentrated essence of opera; it lasts barely 40 minutes, but runs the gamut of emotions, has a great role for a soprano, and ends on a devastating curtain.

Mascagni‘s Cavalleria rusticana (1890) had rapidly become popular throughout Europe, and established verismo as the latest trend in opera.  The chameleonic Massenet seized on the style’s violent passions, working-class characters, and naturalism, and produced a little masterpiece.

Anita is in love with a soldier, Araquil, but his father, Remigio, won’t let his son marry a nobody.  Anita kills the enemy commander to get enough money for a dowry.  Things go badly.  Araquil has followed Anita to the enemy camp; he thinks she has sold her body, and dies, cursing her.  The curtain falls as Anita breaks into hysterical laughter and collapses.

Navarraise - decor.jpg
Source: http://www.artlyriquefr.fr/oeuvres/Navarraise.html

The opera was a vehicle for Emma Calvé, the great acting singer who sang Santuzza at its first performances in Florence and Paris, and who made Bizet‘s Carmen popular in France.  Like those two roles, Anita, the Navarrese, is a complex character; she is a loving, devout woman who commits a murder, and goes mad over her lover’s corpse.

Louis Schneider (Massenet, 1908) called the final scene “one of the most terrible moments in dramatic art; a totally realistic emotional moment, but which overwhelms the least susceptible audience member”.  Anita’s madness “hardly lasts a few seconds, and yet it is interminable, such is the great intensity of the scene. When the curtain falls, one feels a true sense of relief.”

Like most of Massenet’s operas, La Navarraise is through-composed; there aren’t any “numbers” per se, but arias (Anita’s plea to Remigio; Araquil’s tender “O bien-aimée!”) and trios arise naturally out of the situation.

There’s also opportunity for traditional genre pieces, such as the soldiers’ drinking songs.

The opera’s directness and dramatic intensity impressed audiences.  “The plot, which the music follows step by step,” wrote Arthur Pougin, “is fast, one might almost say as brutal as lightning; it strikes with a singular dramatic power; it is, as they say, ‘a love drama which is born, grows, and dies between two skirmishes’.”

Thirty years after its first performance, Antoine Banès, Adminstrateur de la Bibliothèque, des Archives et du Musée de l’Opéra (le Correspondant, 25 Sept. 1923), called it a work of incomparable mastery.  “There is not a useless harmony, nor any padding.  Emotions clatter as rapidly as swords. This is a wonderful art.”


RECORDINGS

Listen to:

Navarraise - Popp.jpg

Geneviève Moizan (Anita), Alain Vanzo (Araquil), Jacques Mars (Garrido), Lucien Lovano (Remigio), and Marcel Vigneron (Bustamente), with the orchestra of the Radio Television Française conducted by Jean-Claude Hartemann.  Paris, 1963.

The best recording, with an all-Francophone cast.

Also recommended: Lucia Popp, Alain Vanzo, Vincenzo Sardinero, Gérard Souzay, Claude Méloni, and Michel Sénéchal, with the London Symphony Orchestra conducted by Antonio de Almeida. Columbia M-33506, CBS 76403 and CBS “Masterworks” DC 40134, recorded London 1975.


STRUCTURE

ACT I

Prélude

Scene I

  • L’assaut a coûté cher (Garrido)

Scene II

  • Captaine, je vois que vous appartenez (Anita)
  • Vierge très bonne, ô Marie! (Anita)
  • Je ne pensais qu’à toi (Araquil)

Scene III

  • Araquil! Mon enfant! Dieu soit loué! (Remigio)
  • Et c’est à Loyola, le jour de la Romeria (Anita)
  • Mariez donc son coeur avec mon coeur (Anita)

Scene IV

  • Etes-vous de la compagnie (Garrido)

Scene V

  • La Pacte (Garrido, Anita)

Scene VI

  • Crénelons les maisons (Garrido)
  • O bien aimée, pourquoi n’es-tu pas là? (Araquil)
  • Anita, la Navarraise? (Ramon)

Scene VII

  • Chanson: J’ai trois maisons dans Madrid (Bustamente)

ACT II

Nocturne

Scene I

  • Alerte! (Un Soldat)

Scene II

  • Mon argent! Mes deux mille douros! (Anita)

Scene III

  • L’argent rouge! (Anita)
  • Blessé, mourant j’espère! (Araquil)

Scene IV

  • Mourir! Mourir par moi! (Anita)
  • Je te cherchais. Anita (Araquil)

Scene V

  • Père, pour qui sonnent ces cloches? (Araquil)
  • Merci, la bonne Vierge (Anita)

CRITICISM

(English translations follow)

Félix Clément, Dictionnaire de l’opéra, supplement by Arthur Pougin, 1903

Source: http://www.artlyriquefr.fr/oeuvres/Navarraise.html

Le livret de la Navarraise, écrit en prose rythmée, est tiré d’une nouvelle de M. Jules Claretie, intitulée la Cigarette, et retraçant un épisode de la guerre carliste de 1874. L’action, que la musique suit pas à pas, est d’une rapidité, on dirait presque d’une brutalité foudroyante, saisissante d’ailleurs et d’une singulière puissance dramatique ; c’est, comme on l’a dit, « un drame d’amour qui naît, se développe et meurt entre deux escarmouches ».

L’action se déroule dans un village basque, dont, en se levant, le rideau nous laisse voir une place pittoresque. La guerre fait son œuvre. Au fond s’élève une barricade formée d’objets de toute sorte : voitures , matelas, sacs de terre, etc., avec un canon dans une embrasure et, à côté, deux autres canons démontés. Il est six heures du soir, au printemps. Des coups de canon et des feux de peloton retentissent au loin. Des soldats, noirs de poudre, revenant de la vallée, passent et battent en retraite ; quelques-uns, blessés, sont soutenus par leurs camarades ; d’autres sont portés, mourants, sur des civières. Quelques femmes agenouillées prient en silence aux pieds d’une madone devant laquelle brûle une veilleuse, tandis que d’autres regardent au loin par-dessus la barricade. Bientôt paraît Anita, la Navarraise, anxieuse, palpitante, à la recherche d’Araquil, celui qu’elle aime. Soudain elle pousse un cri de joie : c’est Araquil, qui paraît à son tour, sain et sauf, et leur amour s’exhale en une explosion d’enthousiasme. Mais voici venir Remigio, le père du sergent Araquil, plein de tendresse pour son fils en même temps que de dédain pour Anita, qu’il juge trop pauvre pour lui. Peut-être consentirait-il au mariage si elle avait une dot, mais…

Une dot ! Pauvre enfant ! Où la prendrait-elle ? Le hasard, un hasard terrible va la lui fournir. Le général royaliste voudrait à tout prix, même au prix d’un crime, se défaire du chef carliste. Une fortune serait la récompense de celui qui consentirait à le frapper. Anita est moins exigeante ; elle ne veut que la somme nécessaire pour vaincre le mépris du père de celui qu’elle aime. Elle s’engage envers le général, et, bien résolue, disparaît dans la nuit.

Un rideau sombre et transparent descend alors sur la scène, laissant, au travers, briller des feux de bivouac. La nuit est complète dans la salle, et l’impression est saisissante. Bientôt ce rideau se relève lentement. L’aube paraît. Le dénouement approche. Le crime est accompli, et Anita vient réclamer son argent — sa dot ! Mais voici que des avant-postes on ramène Araquil mourant. Entretien des deux amants, explication embarrassée d’Anita, qui n’ose avouer son forfait, soupçon d’Araquil, qui l’accuse de s’être vendue et qui meurt en la maudissant ; et, enfin, devant cette mort, cette malédiction et cet écroulement d’un bonheur qu’elle croyait saisir, folie de la malheureuse fille, qui éclate d’un rire invincible et sinistre ! Le rideau tombe.

La part était belle que ce drame rapide faisait au musicien. Il en a su profiter. M. Massenet a donné là une note toute particulière et toute personnelle. Il faudrait tout citer : la prière à la Vierge, le duo d’Anita et d’Araquil, le trio avec le père, la scène du « pacte », celle du bivouac avec la chanson espagnole : J’ai trois maisons dans Madrid, et enfin tout le second acte, presque entièrement occupé par la scène puissante et émouvante des deux amants, la mort d’Araquil et la folie d’Anita. Tout cela est saisissant.


Louis Schneider, Massenet, 1908

Cette partition, rapide, brutale, intense, reste une exception dans l’œuvre de Massenet ; elle n’a point uniformément la même tenue musicale que les autres opéras ou drames lyriques du Maître ; mais le style abrupt qui y fut adopté convient on ne peut mieux à la juste expression du sentiment dramatique — disons même un peu mélodramatique — qui surabonde dans toute la pièce. On reconnaît cependant la « patte » caractéristique du parfait musicien que reste Massenet, non seulement dans des pages telles que le prestigieux nocturne qui sépare les deux actes, le duo amoureux d’Anita et d’Araquil, la lamentation de la pauvre Navarraise sur le corps de son fiancé, mais même dans les pages plus violentes et moins exclusivement musicales par essence, comme le défilé des blessés, des soldats en déroute, par où s’ouvre la pièce. Tout cela, en effet, est réalisé avec une adresse suprême, un sentiment judicieux des moyens qui peuvent exprimer de la façon la plus simple, la plus directe, l’émotion et le mouvement que comporte chaque situation. Écrire une telle œuvre, c’était pour Massenet, plus que pour tout autre peut-être, un véritable tour de force ; l’immédiat et persistant succès qui en récompensa l’entreprise montre que ce n’était point une audace téméraire.

Presque au moment même où l’orchestre, subitement déchaîné, clame à pleine voix un thème tragique, énergiquement rythmé, qui va régner sur toute la musique, leitmotiv capital et unique leitmotiv, le rideau se lève. On voit, sur la place d’un petit village basque, une barricade sur laquelle une femme, éperdue, se penche, regardant avec anxiété dans la vallée qu’emplissent la fumée et le fracas des détonations. Des soldats courent noirs de poudre, égarés. On ramène des blessés. Des officiers, sombres, surviennent, entourant le général Garrido, qui vainement vient de lutter contre les troupes carlistes guidées par Zuccaraga.

La femme immobile c’est Anita, une pauvre fille de Navarre, qui guette le retour de son fiancé, le sergent Araquil. Et tandis que s’achève le défilé des soldats de Garrido, elle prie. Enfin voici Araquil, sauvé pour l’instant des balles carlistes. Et les deux jeunes gens s’abandonnent à la joie de cette temporaire réunion, sans arrière-pensée, heureux seulement de ces moments de trêve. Or, voici que Remigio, père d’Araquil, interrompt le doux tête-à-tête. Quoiqu’il aime tendrement son fils, il écarte Anita ; l’étrangère, la fille de rien, ne saurait épouser l’héritier du fermier riche et respecté. Anita supplie en vain ; Araquil déclare que son seul désir est d’être l’époux d’Anita. Si au moins la Navarraise avait une dot… oh ! peu de chose : deux mille douros suffiraient…, alors on pourrait voir. Et Remigio s’en va sur cette irrévocable parole, entraînant son fils.

Anita est restée seule, dans un coin de la place. La nuit s’est faite. Le général Garrido revient; et tandis qu’il prépare, sur la carte, l’attaque qu’il devra commander le lendemain, on lui apporte la nouvelle que ses troupes viennent à l’instant d’être à nouveau décimées par une sortie de Zuccaraga. « Oh ! s’écrie-t-il désespéré, celui qui tuerait ce misérable bandit, je lui donnerais avec joie tous les honneurs avec une fortune ! »

Anita a entendu ; elle se dresse devant le général : « Pour deux mille douros, je vous le livrerai ! » Et sans laisser à celui-ci le temps même d’accepter le pacte, elle s’enfuit dans l’ombre.

« Bah ! Menaces d’insensée ! » dit le général, et il s’occupe de disposer ses hommes pour la nuit.

Tous s’installent, après, avoir pris les précautions nécessaires pour éviter une surprise. Araquil ne peut dormir et pense à son Anita. « Où peut-elle être ? » se demande-t-il à haute voix. Son capitaine, Ramon, a entendu ce soliloque. « Anita, la brune à qui vous parliez ? On m’a dit qu’on vient de voir une femme s’avancer vers les avant-postes carlistes, demander à être conduite vers Zuccaraga. C’était elle ! — Une espionne ? Mensonge ! — Une infidèle au plus, » conclut Ramon, insouciant. Araquil, brusquement, sort. Les dernières conversations se sont tues ; tous dorment. Un coup de feu, puis d’autres. Les hommes se dressent en sursaut. Une ombre bondit sur la place : c’est Anita, farouche, ensanglantée. Elle va droit au général, cependant que les soldats se sont précipités aux armes. Elle a tué le carliste ; qu’on lui donne ses deux mille douros ! atterré, le général lui remet ce qu’elle réclame. C’est pour Anita un moment de joie, mais bien court : car voici des soldats qui reviennent, ramenant Araquil qui a reçu une blessure mortelle. Il avait suivi Anita vers les postes carlistes, voulant à tout pris savoir. Et il agonise maintenant, tandis qu’Anita lui crie qu’ils seront heureux, qu’elle est riche… Mais quand il sait d’où vient l’argent que brandit Anita, triomphante et affolée, il ne trouve de paroles que pour la maudire. Et il meurt de la sorte, tandis que la pauvre Navarraise rit et pleure.

C’est alors un des moments les plus terribles que nous ait jamais offerts l’art dramatique : moment d’émotion toute réaliste, mais qui étreint et accable même le moins impressionnable des auditeurs. Sur le cadavre d’Araquil, Anita devient folle et vit un moment l’impossible bonheur. Cela dure quelques secondes à peine, et cela est interminable, tant est grande l’intensité de la scène. Quand le rideau s’abaisse, on ressent une véritable impression de soulagement.

***

D’après le récit qui vient d’en être fait, on se rendra compte, fort aisément, du caractère très spécial de cette donnée dramatique, et on comprendra que la musique destinée à accompagner le développement de ladite donnée devait forcément être de qualité très particulière. Aussi est-ce, de toutes les partitions composées par Massenet, celle peut-être qui comporte le moins une analyse intrinsèquement musicale. Une étude détaillée, faite au point de vue spécial de la technique, serait pleine d’intérêt, car elle montrerait avec quelle habileté Massenet a su adapter son inspiration de musicien aux nécessités de la conduite scénique ; elle montrerait surtout comment sa palette musicale, célèbre entre toutes pour sa finesse, a pu se prêter à la réalisation de ces couleurs violentes, crues, brusquement juxtaposées, qui étaient de mise en l’occasion présente. Et cette étude aurait surtout un résultat qui a bien son prix : elle démontrerait irréfutablement que le style le plus raffiné, l’horreur instinctive des moyens musicaux trop grossiers et des phrases trop banales ne sont point incompatibles avec les tendances les plus réalistes ; qu’un musicien distingué et délicat peut très bien, tout en restant lui-même, donner l’impression de la vérité la plus immédiate, la plus brutale ; qu’en un mot, l’art sommaire de certains véristes italiens — et non des moindres — n’est point la condition indispensable de cette sincérité d’expression dramatique que ceux-ci croient être les seuls à pouvoir atteindre. Massenet, cédant à la mode qui avait acclimaté partout le drame musical express, exclusif de toute analyse de caractère, avait voulu montrer que, lui aussi, il savait s’assimiler cette conception d’art.

Indépendamment de son association avec certains moyens quasi-mécaniques (sonneries de cloches, appels de trompettes, roulements de tambours, coups de feu) dont certains sont le condiment presque indispensable des représentations théâtrales, et qui sont tous nécessaires en l’espèce, la musique de Massenet conserve ici sa tenue habituelle, et atteste une véritable maîtrise, tant par l’écriture que par la qualité des développements. Des moments d’exquise légèreté orchestrale, de fine grâce mélodique succèdent aux tumultes où l’orchestre entier s’enfle avec fracas. J’ai déjà cité le Nocturne, qui égale les plus charmantes pages dues à la plume de Massenet. Partout le dialogue est d’une concision, d’une vivacité frappantes. Et ce qui est le plus remarquable peut-être, c’est l’unité de toute la musique, en dépit des plus brusques contrastes. L’œuvre est écrite tout d’un jet, pourrait-on dire ; et en vérité, étant données les limites très étroites que le poème imposait à l’inspiration du musicien, on ne peut qu’admirer l’aisance avec laquelle Massenet a su respecter les lois de la musique en même temps que les exigences de la réalisation scénique.

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